Lorsque l’on recevait son suzerain, on couvrait tous les plats, les drageoirs, les pots à épices, même les verres. On l’honorait ainsi en lui montrant qu’on avait pris toutes les précautions nécessaires pour lui éviter d’être empoisonné ! On commença d’abord par dire servir à couvert, pour mettre le couvert.
Aujourd’hui, le couvert de table ne comporte en général, que les accessoires de la table
Autrefois, le couvert était mis également sur le buffet ou dressoir. Ce dernier avait une grande importance dans le déroulement du repas.
Le dressoir
Le dressoir était revêtu d’une grande nappe qui retombait jusqu’au sol. On en nouait et retroussait les bouts.
C’est là qu’on disposait les bassins d’argent, le vinaigrier, et les piles d’assiettes en réserve. Mais aussi les serviettes supplémentaires en cas d’hôtes imprévus, les verres de rechange renversés sur des soucoupes d’argent, les carafes de vin et d’eau.
Les boissons, en effet, n’étaient pas servies à table. Il fallait, même dans les maisons bourgeoises, demander à boire au valet. En principe, celui-ci apportait alors au convive l’eau et le vin.
Grimod de la Reynière, qui déplore le désastreux effet des idées nouvelles sur le service de table, se plaint. Déjà quinze ans avant la Révolution, les laquais avaient pris la fâcheuse habitude, pour se simplifier la tâche, de faire eux-mêmes le mélange.
Le dressoir, au Moyen-age, était un véritable meuble d’exposition. Non seulement on y étalait la vaisselle précieuse, mais aussi les bijoux qui appartenaient à la famille.
Pour enrayer les vanités, la dimension et le nombre des étagères étaient limités. Nous le voyons dans “l’Histoire pittoresque de notre alimentation” : “Un prince souverain ou une reine a droit à cinq, un comte ou une comtesse à trois, un chevalier à deux”.
Dans tout ce déploiement de faste, il y a avait aussi le “pot à aumône”, en argent, où les convives du repas devaient déposer leur obole.
Les accessoires de la table proprement dite ont évidemment varié au cours des siècles.
La cuillère est très ancienne, puisque la bouillie, le potage qu’elle a toujours accompagnés le sont aussi.
Le couteau remonte loin également comme le vase à boire, sous toutes ses formes : corne, hanap, coupe, verre.
Les assiettes ont remplacé assez tard le tranchoir et l’écuelle, le linge a subi des éclipses. La fourchette fut longtemps considérée comme superflue.
Le centre de la table fut toujours l’objet de tous les soins.
Longtemps, c’est la nef qui l’occupa. On l’appelait aussi cadenas, car elle était fermée à clé.
Elle servait à ranger les ustensiles du couvert de table.
Plus tard, on y disposa les condiments nécessaires au repas : poivre, sel, épices, moutarde, vinaigre, huile.
Toujours en argent, parfois en or ou en vermeil, elle avait la forme d’une nef, d’où son nom, mais parfois aussi celle d’un meuble, d’une forteresse.
Il lui arrivait de servir en même temps de coffret à musique ou à automate.
La nef qui, selon Havard, avait un sens symbolique, par allusion à la forme même de l’église, aux nefs à reliques, contenait également les talismans, cornets de licornes, langues de serpent, dont les valets se servaient pour essayer les aliments. Les vivres suspects ou empoisonnés changeaient de couleurs ou bien des gouttes de sang en coulaient.
La nef fut très à la mode au Moyen-age
Chacun avait la sienne, plus ou moins précieuse, on offrait des nefs aux souverains ou aux princes de passage dans une ville.
Ainsi la nef de table est-elle un accessoire ou service de table de haute distinction honorifique. Elle se doit de rutiler sur la nappe, d’attirer les regards, belle, enviable, enlevée.
Sa forme de vaisseau, coupe et coffret à la fois, supportant et renfermant autant d’objets aussi utiles que réservés et rares à leur tour, vise à sublimer l’horizon du plateau sur tréteau qu’est la table médiévale.
Apanage des puissants, elle provient sans doute de l’intérêt d’avoir sous la main le nécessaire à manger, quand le seigneur de propriétés à superviser ou accroître n’a de cesse de bouger (voyager), ou que la table se monte et se démonte au gré des heures au sein même des abris, fixes ou mobiles (tentes).
Brillant de ses feux, elle remporté la victoire du regard et de l’éblouissement, et donc donné son nom au plus quotidien de nos objets : la vaisselle !
Henry Auguste – Nef de l’impératrice Joséphine – Musée Napoléon Ier, château de Fontainebleau
Une autre coutume de cette époque consista à place sur la table ou dans la salle du banquet une fontaine automatique de vin ou d’eau aromatisée.
Ainsi, au mariage de Philippe le Bon, en 1430, une fontaine de pierre en forme de lion fut dressée, qui “pissait vin vermeil” dont buvaient ceux qui voulaient, ou ceux qui pouvaient.
Au fameux banquet du Faisan, en 1453, il y eut également un “petit enfant tout nu qui pissait eau de rose continuellement et une moult belle fontaine”.
Ensuite, la nef s’est métamorphosée. Elle est devenue le très bourgeois “surtout” que les maîtresses de maison garnissent de fleurs, de fruits, certaines, excentriques, de légumes. Son rôle est purement décoratif, mais aussi pas toujours du goût des convives, si l’on en croit tout au moins Léon de Fos, poète gastronome : “Surtout chargé de fleurs déplaît au vrai gourmand, Du modeste hors-d’œuvre il envahit la place, Et dérobe à nos yeux, inutile ornement, Le jeune et frais minois qu’on peut avoir en face”.
Une mode de décoration de table avait fait fureur sous Louis XIV, les sablés de dessert.
Selon Grimod de la Reynière, les premiers plateaux sablés apparurent au mariage de Louis XV en 1725.
Grimod de la Reynière cite un “artiste” de son temps, Dutfoy. Il “construit des palais quand ses prédécesseurs faisaient seulement des vergers et des gazons, avec colonnades, entablements chapiteaux, frontons, architraves, corniches, selon les principes de l’art et l’on peut apprendre la mythologie en admirant ces surtouts”.
Non seulement Dutfoy construisait d’admirables décors de table, mais encore il y faisait des feux d’artifice.
On allumait une mèche soigneusement cachée et le temple se couvrait de “feux odorants et de toutes couleurs, cent gerbes s’élançaient jusqu’au plafond”. C’était l’époque où les chevelures des femmes se couvraient de fleurs, de jardins, parfois de parcs miniatures.
Cette folie se retrouvait sur les tables. Charles Kunstler raconte : on jonchait les nappes de fleurs, ou on les fixait sur un bloc de glaise.
On arrivait à reproduire de petits paysages de neige, habités de figurines en pâte d’amidon. Sous l’effet de la chaleur des plats, le givre artificiel fondait pour faire verdir les arbres, épanouir les fleurs, couler de minuscules rivières. Les sableurs traçaient des dessins sur les nappes avec de la poudre de marbre, dur verre pilé, du sucre en poudre.
Aujourd’hui, le couvert de table désigne l’ensemble de ce qui est nécessaire à chaque convive.
On se contente de couteaux, fourchettes cuillers à potage et à dessert. Au début du siècle, il y avait encore des cuillers à compotes, à fraises, à œufs, à sucre. Le porte-couteau, jadis en cristal, en argent, à tête de serpent, d’éléphant, de chien, tend à disparaître, avec les facilités de blanchissage des nappes. En Angleterre, où il n’existe pas, on croise le couteau et la fourchette sur l’assiette.On ne peut quitter le couvert de table sans évoquer la “mécanique” de Versailles et le sens, tout autre alors, du mot. Saint-Simon distingue les trois “couverts”, choisis au gré du Roi, le grand, le petit et le très petit, qui comportait tout de même trois services brasil-libido.com/. Le repas de 13 heures était toujours petit ; le Roi mangeait seul.
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